Thierry, notre épicier Santrimiol, est vraiment une perle rare… En plus de tous les services qu’il nous rend, à chaque fête de Toussaint, il se transforme en fleuriste …Pour notre plaisir, il fait venir un très bon choix de chrysanthèmes, bruyères et autres cyclamens, très belles et à prix très raisonnable…Avec lui, sans supplément, pas besoin de se décarcasser à charrier des pots de fleurs de la voiture à la maison puis au cimetière…Thierry nous laisse choisir et pose lui-même les fleurs sur les tombes de nos défunts…Il ne nous reste plus qu’à faire notre visite et prier pour nos chers disparus
Notre épicier est un vrai psychologue, il sait écouter, analyser, faire la part des choses ; son épicerie est un stéthoscope : en la visitant on ausculte les villageois dont les achats sont un révélateur… Le vieux Santrimiol en sort en tanguant, poireaux sous l’aisselle et panier au bras… Les piles électriques y côtoient les confitures et charcuteries du pays, entre deux cageots de légumes frais… l'épicerie sert de dépannage quand il manque une bouteille de lait, du beurre ou une boîte de conserve… de l’autre côté de la route, face à la boutique le Tarn ondule….et Thierry est là, et son sourire aussi, inaltérable, Jusque tard dans la soirée d’automne, alors que le village s’enfonce silencieux dans la nuit, il est là, prêt à servir, prêt à vous recevoir même si les touristes ont déserté le coin. .. Le client se fait rare et le "turbin" devient un sacerdoce ; l’épicerie est une sorte de « dernier des Mohicans » de ces commerces Santrimiols ouverts à l’année qui naguère créaient la vie au village dès l’aube, quand résonnait déjà, matinale, la sonnerie de la porte du boulanger, poussée par le premier acheteur …De mémoire d’homme ici, il y a quarante ans à peine, le voyageur de commerce dormait chez la mère Leynadier ou la mère Delon, à l’hôtel, et partait dans sa "juva 4", à l’aube, pour rencontrer ses clients du village et des Gorges, et il en avait ! Même en hiver…Vous en souvenez-vous ?...Les cafés-restaurants étaient en nombre aussi, bien sûr : à présent, le seul ouvert à l’année est celui de Jean-Yves, digne petit fils de Maria Leynadier !
On quitte l’épicerie le cœur un peu serré, décidé à revenir, à acheter ne serait-ce qu’une bouteille de Quézac pour le petit aux digestions hasardeuses, des gâteaux secs ou des salades, afin de participer, modeste, à la sauvegarde de notre dernier des Mohicans, encore ouvert à Ste Enimie, encore résistant aux Mousquetaires de la distribution, aux pubs lourdes pour les hard discounts, tous fossoyeurs d’une civilisation rurale désormais naufragée.
Prenons la résolution : Aidons-le à tenir notre épicier, mieux à se régénérer, c’est une question de civisme, d’intérêt communal, de solidarité villageoise .Tiens bon, Thierry, tiens bon, ne baisse pas les bras, continue à sourire, car, pour reprendre la phrase fétiche qu’Alexandre Vialatte, célèbre chroniqueur du journal « La montagne » utilisait pour finir chacun de ses articles quotidiens dans les années 60-70 : «Et c’est ainsi qu’Allah est grand… ».
Bien sûr d'autres commerces sont ouverts en hiver : Pharmacie, Boulangerie, Tabacs ...etc... et nous les en remercions; leur existence semble heureusement moins en danger que notre épicerie !