A 89 ans, Suzanne GAU nous a quittés et a rejoint, le 5 décembre, le tombeau de sa famille au cimetière du Viala.
Suzanne était une des plus anciennes habitantes de ce quartier du Pont où sa sœur, Paulette, et elle aimaient tant revenir à la belle saison, quand leur beau jardin fleuri réclamait leurs soins.
En effet, Suzanne est née dans cette maison familiale en 1923. Sa grand-mère faisait, au village, office de sage-femme et c'est elle qui aida sa mère - Philomène ROBERT, épouse GAU – à la mettre au monde.
Ensuite, la profession de son père, Ernest GAU, qui était gendarme, entraîna la famille au Pompidou, à Peyrelau, jamais bien loin tout de même de la vallée du Tarn. C'est d'ailleurs à Millau que Suzanne et Paulette GAU avaient ancré leur vie professionnelle et c'est là que, tout naturellement, elles restèrent pour leur retraite.
Suzanne était, vers 1945-1950, une jeune-fille très élégante, les cheveux noirs relevés haut au-dessus du front, comme cela se faisait à l'époque ; elle se maquillait soigneusement, se vêtait de robes fleuries qu'elle faisait elle-même, aidée par sa mère qui avait des doigts de fée. Elle se perchait sur de hauts-talons, sentait bon le parfum et la poudre de riz. Elle était l'image de la féminité…
Les années ont passé, le Prince charmant n'est pas venu. Mais Suzanne est toujours restée très féminine, un brin coquette, en dépit de tout ce que l'âge, peu à peu, lui a enlevé. Le ménage, la couture, les draps à laver qu'elle rinçait jadis à la rivière… C'était la part qu'elle prenait dans cette vie que sa sœur et elle ont partagée depuis toujours. Elle avait une distinction naturelle et était très pointilleuse sur l'art de recevoir, sur sa discrète terrasse, autour d'un vin pétillant et de quelques petits-fours.
Suzanne était aussi la mémoire de la famille, car, si son cœur la trahissait parfois, son esprit était resté intact. Elle se souvenait de tout et de tous. Elle ne cessera de nous manquer pour témoigner de notre passé à tous. Et, pour sa sœur Paulette qui a déjà traversé, en cette "année noire", plusieurs mois d'hospitalisation, à la suite d'une chute avec fractures, ce sera, bien sûr, une fracture de vie, plus douloureuse encore.
Il faut souhaiter que, l'été prochain, elle retrouve, grâce aux amis qu'elle a laissés au village, le courage de pénétrer, toute seule désormais, dans sa grande maison et d'aller vite dans son jardin demi-sauvage, qui aura encore et toujours besoin d'elle.
A. Massot